Résilience organisationnelle et résilience structurelle, un seul objectif : la résilience nationale

Chaque mois, un expert de l’écosystème REZILIO prendra la parole sur un sujet de son choix. 

Nous mettrons en lumière l’un de nos experts, qui contribue à faire rayonner la résilience sous diverses formes.

La communauté des experts est composée d’experts du monde entier, qui apportent leur expertise dans des domaines aussi variés que la supply chain, la résilience, les Smart Cities, l’industrie et bien d’autres points encore.


La France, comme certains autres pays, a défini la résilience nationale, comme un objectif de sécurité nationale, mais en lui donnant une définition orientée vers la capacité à résister et à s’adapter aux chocs sociétaux qu’elle peut connaître.

Cette définition est la suivante : « La résilience se définit comme la volonté et la capacité d’un pays, de la société, et des pouvoirs publics à résister aux conséquences d’événements graves, puis à rétablir rapidement leur fonctionnement normal, à tout le moins dans des conditions socialement acceptables. »

Cette définition vise donc bien les chocs sévères que peut subir la société, elle n’a pas encore pris en compte les problématiques des stress plus chroniques qu’une société peut connaître et qui peuvent, en quelques années ou décennies, changer la nature même des équilibres environnementaux, économiques, ou sociaux.

Les impacts du changement climatique

Le changement climatique, en fonction des scénarios de température : de 1,5 à 4°C peut bouleverser du tout au tout la nature de la société dans laquelle nous vivrons. En effet, les impacts seront majeurs, tant à la fois sur la géographie de nos traits de côte, que sur l’élévation des mers, ou sur l’amplitude et peut-être la fréquence, des événements climatiques extrêmes. Les conséquences seront nombreuses : feux de forêt dans des régions aujourd’hui épargnées, sécheresse chronique dans certains territoires, émergence ou réémergence de vecteurs et de maladies transmissibles, etc..

Mais le changement climatique n’est pas la seule menace qui nous guette dans les décennies à venir, les mutations économiques profondes et la dépendance extrêmes pour toute activité économique et sociale aux réseaux d’infrastructures de toute nature (énergie, eau, télécommunication dont Internet …), les fractures sociales (le vivre ensemble), les mouvements de population, consécutifs de migration pour raisons climatique ou économique, peuvent créer des spasmes sociétaux lourds de conséquences en termes politiques, sociales ou économiques, c’est-à-dire en termes de sécurité globale, et cela sans compter les bouleversements géopolitiques, car la paix n’est assurée que si on est suffisamment fort pour être dissuasif.

Vers une résilience structurelle

Notre société est donc fragile, et elle doit être capable non seulement d’absorber les chocs ponctuels, c’est ce qu’apporte la résilience organisationnelle qui comprend l’analyse des risques et des menaces, la prévention, la planification, la gestion de crise, la réponse opérationnelle, la continuité d’activité de service et l’adaptation ponctuelle. Mais elle doit également être capable de réduire le risque global, la vulnérabilité, par l’adaptation permanente, c’est ce que j’appellerai la résilience structurelle.

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Un coucher de soleil sur la ville de Paris

Le domaine de la résilience organisationnelle est encore fragmentaire dans la plupart des organisations, et même au niveau national. Un effort particulier et urgent est à mener à tous les niveaux d’organisation : État, même si beaucoup de choses existent, il reste encore de larges marges de progrès ; collectivités territoriales où là, l’action est encore trop parcellaire ; entreprises, où peu très de sociétés sont capables d’afficher une résilience organisationnelle adéquate.

Celui de la résilience structurelle est à ses balbutiements. Il est à noter que cette définition de ce que l’on pourrait nommer résilience structurelle n’est pas prise en compte dans celle de la résilience nationale aujourd’hui. Il y a là certainement matière à réflexion pour le prochain livre blanc de la défense de la sécurité nationale.

L’initiative qui a été prise il y a maintenant quelques années par la Fondation Rockfeller sur l’idée des 100 villes résilientes a joué un rôle intéressant d’incitation dans de nombreuses collectivités et pays, dont la France, où Paris s’est dotée du premier au Haut Responsable de la Résilience en France en la personne de M. Sebastien Maire. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’il travaille presque plus sur la résilience structurelle que sur la résilience organisationnelle.

Une approche holistique

Mais, c’est bien cette approche « holistique » de la résilience qu’il convient aujourd’hui de développer. Cette approche permet une meilleure analyse des risques et des menaces en essayant de détecter les émergences à moyen et long terme et de mettre en place une règle de base, que l’on retrouve dans les organisations à haute fiabilité : « réponse forte à signaux faibles ». Et de développer, dès à présent, des contre-mesures sur des problématiques dont l’occurrence est forte ou hautement probable et pour lesquelles il faut agir tout autant sur les causes que sur les conséquences. Au final, la résilience structurelle agira sur les causes, et la résilience organisationnelle essaiera de diminuer les conséquences, notamment sur les chocs forts ou extrêmes.

La résilience structurelle va donc s’appliquer à de très nombreux domaines de l’activité humaine : l’environnement, enjeu essentiel ; les infrastructures critiques, les réseaux physiques et virtuels, la santé humaine et animale, la capacité et la souveraineté économique, la dimension et l’acceptabilité sociale… en axes principaux. L’objectif est proche du concept de développement durable, mais il s’en distingue dans le sens, où il caractérise les idées de vision intersectorielle, d’anticipation, de réduction de la vulnérabilité, qui doivent être intrinsèque aux choix présents. C’est donc bien une vision de long terme avec action immédiate, qui est absente depuis de très nombreuses années, et qui doit revenir au niveau des grands choix stratégiques publics et privés.

Cela impose une réflexion nouvelle dans les modes de gestion et d’organisation des grands acteurs publics et privés. La difficulté sera bien évidemment de ne pas céder aux « effets de mode » et de réintégrer une pensée très ouverte, collaborative, qui doit réfléchir aux enjeux, aux mutations, et se servir de cette « crise globale » où nos modèles traditionnels sont remis en cause, pour dégager de nouvelles opportunités qui permettront de passer l’étape du XXIe siècle, sans conséquence majeure pour l’humanité. Il faut pour cela avoir une vision claire sur les échelles de temps et sur les différentes mutations que nous allons connaître. Penser et agir autrement, y compris dans les financements.

Le Haut comité français pour la défense civile travaille depuis plus de 35 ans sur ce concept de résilience organisationnelle. Les actions qu’il a menées ont visé à mieux préparer les organisations aux situations d’exception, quelles que soient leurs origines ou leurs natures. Il effectue cette mission en sensibilisant, en formant, en récompensant, et en exerçant les organisations : collectivités et entreprises qui en sont membres. Il a simultanément été aidé et appuyé l’État sur les politiques publiques en matière de prévention, de gestion de crise ou de résilience.

Il faut maintenant passer à un stade supérieur et aider les organisations à mettre en oeuvre concomitamment ces 2 résiliences : organisationnelle et structurelle pour arriver à un état de résilience globale, et ce dans un monde en mutation rapide et parfois violente.

C’est cette mutation qui doit également être faite pour le HCFDC, qui pourrait devenir très prochainement le Haut Comité Français pour la Résilience Nationale, qui aura pour objet d’axer son travail sous les 2 angles, mais sans obérer la dimension essentielle de sécurité nationale qui a fait son ADN depuis toujours.

Il est fort probable que ces nouvelles approches vont générer dans de nombreuses activités, de nouveaux métiers et de nouveaux marchés, qui généreront des opportunités importantes pour les acteurs économiques. La résilience globale n’est pas une charge, elle est un investissement indispensable pour l’avenir et une assurance pour le court et moyen terme.

Par Christian Sommade
Délégué Général du Haut Comité Français pour la Résilience Nationale

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